Des réformes soutenues et la stabilité macroéconomique conduisent à une accélération de la croissance et à l’émergence d’un pays.
Un vaste corpus de littérature s’est construit autour des interrelations entre gouvernance et développement depuis la chute du mur de Berlin en 1989, lorsque le modèle soviétique a fait place aux vents du changement dans le monde, y compris en Afrique. Au début des années 2000, de nombreux travaux phares du PNUD sur la gouvernance soulignent que la bonne gouvernance est l’une des principales variables expliquant le développement durable et inclusif.
La croissance africaine tirée par l’amélioration de la gouvernance
Mckinsey, MO Ibrahim Foundation et d’autres ont montré que contrairement à l’opinion populaire, seulement un tiers de la croissance de l’Afrique peut s’expliquer par l’extraction des ressources naturelles et les matières premières. En fait, une grande partie de la croissance de l’Afrique s’explique par l’amélioration de la gouvernance en général, la stabilité et les réformes politiques et macroéconomiques, ainsi que par la demande intérieure croissante découlant de l’urbanisation et l’émergence de la classe moyenne en Afrique.
Alors que les analyses précédentes donnaient un poids égal à ces trois facteurs, l’analyse du PNUD montre que les paramètres de gouvernance tels que les transitions démocratiques, la gestion financière publique et la stabilité ont un impact beaucoup plus important sur la croissance que les prix des matières premières ou l’augmentation des revenus de la classe moyenne. En fait, la profondeur et l’ampleur de la participation ainsi que la qualité de la gestion publique (y compris la gestion budgétaire, la politique budgétaire, la mobilisation des recettes et la transparence), et une administration publique plus solide ont un fort impact sur la croissance. Pour les 31 pays de notre échantillon, ceux ayant un score plus élevé dans la gestion publique (Indice Mo Ibrahim) avaient des taux beaucoup plus élevés de croissance du PIB réel. Et les pays leaders ont également une part plus faible de matières premières dans le PIB.
Cela signifie que la trajectoire de croissance à long terme de l’Afrique dépendra beaucoup du traitement efficace des déficits de gouvernance politique, économique, sociale et environnementale existants afin d’amplifier les effets de la bonne gouvernance sur la compétitivité, la croissance et le développement humain de l’Afrique.
Corrélation prouvée entre gouvernance et croissance
Sur la base des données nationales présentées à la Conférence internationale sur l’émergence de l’Afrique tenue à Abidjan en février de cette année, trois exemples classiques montrent que des réformes soutenues et la stabilité macroéconomique conduisent à une accélération de la croissance et à l’émergence d’un pays.
Premièrement, des pays leaders comme la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, Maurice, le Rwanda, le Sénégal, l’Afrique du Sud et les Seychelles ont démontré l’importance d’élargir la marge de manœuvre budgétaire pour la croissance. En dupliquant leurs meilleures pratiques en matière de collecte de recettes innovantes, de suivi budgétaire et de gestion financière intégrée, l’Afrique pourrait passer d’un ratio moyen –impôts/PIB- actuellement de 19% du PIB à 24%, soit le seuil fixé pour le financement durable du développement selon la CNUCED.
Deuxièmement, des pays exceptionnels comme le Cap Vert, l’Éthiopie, le Gabon, le Maroc, le Rwanda et Maurice ont démontré l’importance d’améliorer la gestion de l’inflation et de l’épargne nationale brute pour la croissance et la stabilité, même si le taux moyen d’épargne domestique brute (20-32%) reste inférieur à celui de l’Asie en voie de développement (41%).
Troisièmement, l’amélioration de la stabilité macroéconomique et de l’environnement des affaires en Côte d’Ivoire, à Maurice, au Rwanda et en Tanzanie est le principal moteur de l’augmentation des flux financiers intérieurs. En Afrique, les flux entrants d’IDE et les investissements de portefeuille s’élevant à 63 millions USD dépassent maintenant l’APD (aide publique au développement) officielle de 61 millions USD en 2017, bien qu’ils soient légèrement inférieurs aux 66 millions USD reçus en transferts des ressortissants à l’étranger.
Mettre la gouvernance au service du développement
Les pays d’Afrique doivent investir stratégiquement pour mettre en place ces actions de gouvernance clés afin d’accélérer la transformation économique structurelle et le développement humain progressif du continent.
- Gouvernance et politique institutionnelle: Ceci inclut des initiatives majeures pour améliorer la participation de larges couches de la société à la gouvernance de leur pays et assurer des politiques de stabilité macroéconomique, des réformes du secteur public pour réduire la corruption, améliorer l’efficacité et assurer une offre efficace des services.
- Politiques structurelles de transformation économique: Il s’agit de promouvoir les investissements stratégiques dans la création d’un environnement propice à l’accroissement de la productivité, à la diversification des bases productives et à la compétitivité, y compris une coordination et un suivi institutionnel solides.
- Politiques de développement social et humain: consistant à promouvoir des contrats sociaux solides pour renforcer la participation, l’autonomisation et la responsabilisation, conditions nécessaires pour exploiter la forte corrélation entre la gouvernance inclusive, les normes sociales favorables, la croissance et le développement humain.
Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations Unies, affirmait que «la bonne gouvernance est le facteur le plus important dans l’éradication de la pauvreté et la promotion du développement». Des actions urgentes sont maintenant nécessaires pour transformer l’Afrique à l’Agenda 2063, une Afrique intégrée, prospère et pacifique, conduite par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale
Dès lors, les dirigeants, les économistes et les décideurs sont appelés à regarder au-delà des indicateurs standards de la bonne gouvernance pour explorer les liens complexes et la dynamique derrière l’interaction entre la gouvernance transformationnelle, la transformation économique structurelle et le progrès humain durable. Ce sera la clé pour libérer la force de l’Afrique et favoriser la prospérité d’une Afrique qui pèse sur la scène mondiale.